Comparaison métrologique d’analyseurs, capteurs et préleveurs passifs de polluants gazeux atmosphériques – Application à l’ammoniac et à l’hydrogène sulfuré
La mesure sélective des polluants atmosphériques, gazeux et particulaires, est essentielle pour comprendre la chimie de l'atmosphère et les mécanismes de transfert des polluants. L'ammoniac (NH3) est le troisième composé azoté gazeux le plus abondant dans l'atmosphère, après le diazote (N2) et le monoxyde d'azote (NO). Il joue un rôle clé dans les processus physico-chimiques atmosphériques et, une fois déposé, dans les processus biogéochimiques avec des impacts sur les écosystèmes tels que l'acidification des sols et l'eutrophisation. De plus, l'ammoniac réagit rapidement avec les composés acides présents dans l’atmosphère comme l’acide sulfurique ou les acides nitrique ou nitreux, contribuant ainsi à la formation de particules fines. La nécessité de mieux comprendre le rôle de l’ammoniac relève d’une grande importance, alors que les émissions de ce composé provenant majoritairement du secteur agricole sont relativement constantes depuis ces dernières années et que le pays s'efforce d'élaborer des stratégies de gestion efficaces pour les particules fines, dans le but d'atténuer les préoccupations liées aux impacts sur la santé publique et sur l'environnement.
Les émissions de sulfure d'hydrogène (H2S) proviennent de sources d'origine humaine telles que la production de gaz naturel ou le traitement des déchets, ou de sources naturelles telles que les émissions volcaniques ou la décomposition des algues dans les zones d'échouement. La présence de ce gaz dans l'atmosphère a des conséquences sur la santé humaine et les écosystèmes en participant notamment aux processus d'acidification des sols et des eaux.
Afin d’étudier les phénomènes physico-chimiques dans lesquels interviennent le H2S et le NH3 dans l'atmosphère et de rendre compte de l'efficacité des mesures d'atténuation mises en place, une détermination fiable et traçable des concentrations dans l’air pour ces composés est nécessaire.
Un étalon d’ammoniac dans l’air basé sur la méthode de génération dynamique par perméation en phase gazeuse sur une gamme de fractions molaires allant de 1 à 400 nmol/mol (1 à 400 ppb) permet le raccordement et l’étalonnage des analyseurs automatiques dans les laboratoires du LCSQA-LNE, avec des incertitudes élargies relatives inférieures à 2 % (k=2). De plus, le LNE travaille également sur le développement d’étalon de référence pour le H2S afin de répondre aux différents besoins exprimés par les AASQA. Cette référence pourrait dans un premier temps être basée sur la méthode de génération dynamique par perméation gazeuse, comme dans le cas de l’ammoniac. Cependant, ces raccordements ne peuvent être délocalisés jusqu’à la station de mesure ce qui pose la question de l’impact du déploiement sur le terrain des instruments de mesure.
Par ailleurs, l’article 16 de l’arrêté du 16 avril 2021 relatif au dispositif national de surveillance de la qualité de l'air ambiant exige des AASQA qu’elles participent aux comparaisons interlaboratoires (CIL) préconisées par le LCSQA dans le but de de garantir l’exactitude et la qualité des données produites par le dispositif national de surveillance mais aussi d’améliorer les pratiques et d’identifier les axes des progrès à mettre en œuvre. Ces deux derniers objectifs étant encore plus importants pour la surveillance des polluants émergents ou d’intérêt national pour lesquels les méthodologies de surveillance ne font pas nécessairement l’objet d’un référentiel normatif.
Dans ce contexte, le LCSQA-IMT Nord Europe a organisé deux CIL pour évaluer la mesure spécifique du H2S et de l'ammoniac. Ces CIL ont été réalisées du 28 novembre au 8 décembre 2022 au Centre d'Enseignement, de Recherche et d'Innovation Energie Environnement (CERI EE) de l'IMT Nord Europe à Douai. Les objectifs principaux de ces comparaisons étaient les suivants : (i) Valider la capacité technique de l'IMT Nord Europe à générer des mélanges gazeux de H2S et NH3 dans des matrices sèches et humides (Hr » 55%) en utilisant une ligne spécifique à haut débit revêtue en SilcoNert®2000 ; (ii) Estimer les éventuels biais entre les différents types d'analyseurs, capteurs et préleveurs passifs utilisés par les AASQA, les industriels et les laboratoires de recherche nationaux, basés sur des technologies de mesure différentes ; (iii) Tester la faisabilité de l'utilisation d'une chambre d'exposition pour accueillir des systèmes capteurs ou des préleveurs passifs pour les CIL à venir.
Pour la CIL dédiée à la mesure du H2S, il s’agit d’un premier exercice regroupant six AASQA et l’IMT Nord Europe en tant que représentant du LCSQA, avec un total de sept analyseurs et deux capteurs électrochimiques. Les résultats de la comparaison dans une plage de mesure allant de 0 et 100 ppb ont permis d’évaluer la linéarité des dispositifs. Les réponses des analyseurs Teledyne API-T101 et des capteurs électrochimiques ont été fortement influencées par l'humidité, avec un écart relatif entre les pentes déterminées en air humide par rapport à celles déterminées en air sec pouvant atteindre +64%. Il est apparu que les performances de la majorité des analyseurs TAPI-T101 ont été influencées par la matrice sèche. En témoigne (i) une dispersion plus importante des données obtenues en air sec par rapport aux mesures en matrice humide (air humide et ambiant), et (ii) des z’-score plus satisfaisants (< 2) pour les mesures en air humide par rapport à l’air sec. Les mesures en air ambiant montrent des résultats satisfaisant pour tous les participants.
La CIL pour l'ammoniac a impliqué huit AASQA, un industriel, deux laboratoires de recherche et l’IMT Nord Europe en tant que représentant du LCSQA. Cette étude a révélé une bonne cohérence des mesures pour la majorité des instruments, que ce soit dans une matrice synthétique (air sec ou humide) ou dans les mesures réalisées en air ambiant dopé avec des z’-score satisfaisants (< 2) pour la majorité des participants. Globalement, une grande homogénéité des données a été observée lors des mesures en air sec par rapport à celles en air humide. Cela est probablement dû au fait que les analyseurs équipés d’un filtre PM en entrée non chauffé semblent être davantage impactés par l’humidité, ce qui se traduit également par des temps de réponses nettement plus longs pour ces appareils. Les mesures en air ambiant dopé à 60 ppb d’ammoniac ont révélé des sous-estimations au regard de la concentration théorique générée d’ammoniac. Des travaux futurs seront axés sur l’amélioration de la génération de concentrations ciblées, stables dans le temps et reproductibles de polluants en air ambiant dopé.
L’exploitation des données des deux CIL a permis de déterminer les variances de répétabilité et de reproductibilité associées aux mesures fournies par l’ensemble des participants. Les CIL dédiées au H2S et au NH3 ont également permis de confirmer l’opérationnalité de la chambre d’exposition en SilcoNert®2000 utilisée pour accueillir les systèmes capteurs et les préleveurs passifs. La comparaison entre les résultats obtenus par l’ensemble des analyseurs et les préleveurs Radiello® code 168 a montré une différence significative en matrice air sec et air ambiant dopé, contrairement à un bon accord en air humide. Cependant, des travaux sont en cours afin de mieux caractériser cette chambre avant l’organisation de futurs CIL. Les résultats préliminaires ont montré une adsorption de l’ammoniac sur les ventilateurs utilisés pour l’homogénéisation dans la chambre, ce qui pourrait expliquer les sous-estimations des préleveurs Radiello® code 168 par rapport à la concentration moyenne déterminée par l’ensemble des analyseurs en air sec. Pour finir, la ligne spécifique à haut débit d’une longueur de 16 m, traitée en SilcoNert®2000 a démontré son applicabilité pour générer des concentrations stables et reproductibles de H2S et NH3 pour des concentrations allant jusqu’à 100 ppb, avec une humidité relative d’environ 55 % et à température de 23 °C ± 1 °C.
Inter-Laboratory Comparison – Ammonia and hydrogen sulphide in ambient air
The selective measurement of atmospheric pollutants, both gaseous and particulate, is essential for understanding atmospheric chemistry and pollutant transfer mechanisms. Ammonia (NH3) is the third most abundant gaseous nitrogen compound in the atmosphere, after nitrogen (N2) and nitric oxide (NO). It has long played a crucial role in atmospheric chemical processes and, upon deposition, in biogeochemical processes such as soil acidification and eutrophication, impacting ecosystems. Moreover, ammonia rapidly reacts with atmospherically-formed sulfuric and nitric acids, contributing to fine particle formation. The need for a better understanding of its role has become evident in recent years, with increasing ammonia emissions from intensive livestock facilities are on the increase and the Nation works to craft effective management strategies for fine particles to address concerns about public health and environmental impacts.
Hydrogen sulfide (H2S) emissions, whether from anthropogenic sources such as natural gas production or natural sources like volcanic emissions or algae decomposition in coastal areas, contribute to the presence of this gas in trace amounts in the atmosphere. H2S is concerning due to its detrimental effects on health. Moreover, it significantly contributes to the formation of atmospheric aerosols and participates in soil and water acidification processes. These H2S emissions have consequences for ecosystems and require accurate monitoring and measurement to assess their environmental impact.
To study the physicochemical phenomena involving H2S and NH3 in the atmosphere and to assess the effectiveness of mitigation measures, a reliable and traceable determination of air concentrations for these compounds is necessary. In this context, LCSQA-IMT Nord Europe organized two interlaboratory comparisons (ILCs) to evaluate measurements of H2S and ammonia. These ILCs were conducted from November 28 to December 8, 2022, at the Centre for Education, Research and Innovation in Energy Environment (CERI EE) of IMT Nord Europe in Douai. The main objectives of these comparisons were to:
- validate the technical capability of IMT Nord Europe to generate H2S and NH3 gas mixtures in dry and humid matrices (Hr ≈ 55%) using a high-flow SilcoNert®2000 coated specific line.
- estimate potential biases between different types of analyzers, sensors, and passive samplers used by AASQAs, industries, and national research laboratories, based on different measurement technologies.
- test the feasibility of using an exposure chamber to accommodate sensor systems or passive samplers for future ILCs.
For the H2S measurement ILC, it involved six AASQAs and IMT Nord Europe as a representative of LCSQA, with a total of seven analyzers and two electrochemical sensors. The comparison results in a measurement range from 0 to 100 ppb allowed for evaluating the linearity of the devices. The responses of Teledyne API-T101 analyzers and electrochemical sensors were strongly influenced by humidity, with a relative difference in humid-air to dry-air slopes reaching up to "+64%" compared to dry-air measurements. It was evident that the majority of TAPI-T101 analyzer performances were influenced by the dry matrix. This was evidenced by (i) a larger dispersion of data obtained in dry air compared to measurements in humid matrix (humid and ambient air), and (ii) more satisfactory z'-scores (< 2) for measurements in humid air compared to dry air. Ambient air measurements showed satisfactory results for all participants.
The ammonia ILC involved eight AASQAs, one industry, two research laboratories, and LCSQA. This study revealed good measurement consistency for most instruments, both in synthetic matrices (dry or humid air) and in measurements taken in doped ambient air, with satisfactory z'-scores (< 2) for the majority of participants. Overall, a high level of data consistency was observed in dry air measurements compared to humid air. This is likely due to the fact that analyzers equipped with non-heated inlet PM filters appear to be more affected by humidity, leading to significantly longer response times for these devices. Measurements in doped ambient air at 60 ppb of ammonia revealed underestimations compared to the theoretically generated ammonia concentration. Future work will focus on improving the generation of targeted, stable, and reproducible pollutant concentrations in doped ambient air.
The exploitation of data from the two ILCs allowed for determining the repeatability and reproducibility variances associated with measurements provided by the participants. The ILCs dedicated to H2S and NH3 also confirmed the operational effectiveness of the SilcoNert® 2000 coated exposure chamber used to accommodate sensor systems and passive samplers. The comparison between results obtained by all analyzers and Radiello® code 168 passive samplers showed a significant difference in dry air matrix and doped ambient air, while demonstrating good agreement in humid air. However, efforts are underway to better characterize this chamber before organizing future ILCs. Preliminary results indicated ammonia adsorption on the fans used for homogenization in the chamber, which might explain the underestimations of Radiello® code 168 passive samplers compared to the average concentration determined by all analyzers in dry air. Lastly, the high-flow specific line of 16 meters in length, treated with SilcoNert® 2000, demonstrated its applicability in generating stable and reproducible concentrations of H2S and NH3 for concentrations up to 100 ppb, with a relative humidity of approximately 55% and a temperature of 23 °C ± 1 °C.